Après tout, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? — Le Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE) sous la coupe du désormais très controversé Elon Musk depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, n’en finit plus de secouer les institutions américaines.
À sa tête, Steve Davis et son escouade de jeunes mercenaires biberonnés à l’IA enchaînent les incursions dans les différents organismes publics, bien décidés à "moderniser" l’appareil d’État à coups de refontes express et de promesses techno-messianiques.
Parmi ses dernières lubies : la réécriture intégrale des systèmes informatiques de la Social Security Administration (SSA), pilier historique de la protection sociale américaine.
Seul hic : ceux-ci reposent encore aujourd’hui sur des dizaines de millions de lignes de code en Cobol, un langage de programmation créé à la fin des années 1950.
Cela ne semble pas refroidir les ardeurs du DOGE, qui envisage d’effectuer cette modernisation vers un langage plus moderne comme Java... en seulement quelques mois.
L’annonce fait bondir les spécialistes du secteur, car au-delà du vernis technologique et des promesses de modernisation, le projet soulève de sérieuses inquiétudes quant à sa faisabilité — et surtout ses conséquences.
Tester, c'est douter.
Migrer un système de cette ampleur est une entreprise titanesque (du moins, pour toute personne saine d’esprit) : même dans un contexte maîtrisé, une telle refonte exigerait plusieurs années de développement rigoureux, de tests, et de déploiement progressif.
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Effectuer cette migration en un délai aussi court présente donc des risques considérables pour l'intégrité du système, et pourrait directement menacer le paiement des prestations de sécurité sociale pour plus de 65 millions d'Américains qui en bénéficient aujourd’hui.
Contacté par le média WIRED, un interne de la SSA souligne les risques propres à un projet aussi précipité : "l'un des grands risques n’est pas uniquement de mal payer ou de trop payer les bénéficiaires, mais bien de ne pas les payer du tout, sans même s’en apercevoir. Les erreurs invisibles et les omissions sont un réel danger."
La SSA est déjà sous pression de l’administration de Donald Trump depuis plusieurs mois. En février dernier, Elon Musk avait affirmé — à tort — que l’agence était gangrenée par la fraude, évoquant notamment des cas supposés de bénéficiaires âgés de 150 ans.
En réalité, ces anomalies résultent justement de particularités techniques du Cobol, qui ne possède pas de format standardisé pour les dates.
Ainsi, certaines dates erronées dans le système apparaissent comme remontant au 20 mai 1875, une date de référence utilisée par convention dans certains systèmes Cobol.
Cobol = GOAT ?
Le langage Cobol demeure encore aujourd’hui une référence dans les systèmes informatiques financiers mondiaux. Sa robustesse et sa capacité à traiter des volumes massifs de données en font un rouage discret mais indispensable de nombreux services publics et infrastructures critiques.
À ce titre, la pandémie de Covid-19 en 2020 avait déjà mis en lumière la dépendance massive des institutions américaines à ce vieux langage de programmation, avec des conséquences très concrètes.
L’État du New Jersey, submergé par les demandes d’allocations chômage, s'était ainsi retrouvé en pénurie... de développeurs COBOL !
Une situation qui avait même forcé le gouverneur de l’État à lancer un appel public aux développeurs Cobol bénévoles pour remettre d’urgence les plateformes en état de marche.
De même, 95% des transactions réalisées via des distributeurs automatiques dans le monde reposeraient sur ce langage. La SSA elle-même gère près de 840 millions de transactions financières à l’année, représentant plus de 1300 milliards de dollars versés à ses bénéficiaires en 2023.
Les experts pointent le risque élevé d'erreurs critiques lors de la migration, même mineures, pouvant causer des conséquences désastreuses.
La gestion des valeurs décimales, par exemple, diffère entre Cobol et des langages plus récents comme Java — un simple écart d’arrondi pourrait entraîner des paiements erronés à grande échelle.
Et pour quoi, au juste ? Car le système en place, aussi ancien soit-il, remplit encore aujourd’hui sa mission première : verser les prestations sociales à des dizaines de millions de personnes.
Dans ces conditions, le volontarisme de DOGE ressemble moins à un projet de modernisation raisonné qu’à une opération de communication, en quête d’un énième coup d’éclat.
La SSA avait déjà tenté une modernisation similaire en 2017, avec un plan prévu sur cinq ans. Ce projet avait échoué, en partie à cause de la pandémie mais également faute d’un plan précis.
Aucun plan clair de migration n’a encore été communiqué à ce jour, mis à part l’intention affichée par DOGE — fidèle à ses habitudes — de recourir à une intelligence artificielle générative pour accélérer le processus.
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